Le concept de réduction des risques est au cœur des réflexions actuelles en matière de santé publique. Cette vision pragmatique des politiques de santé, qui vise à limiter les risques des pratiques à risque plutôt que de les interdire, est en train de s’imposer un peu partout en Occident comme une norme en termes de prévention, de campagnes d’information, et de politiques de lutte (sécurité routière, drogue, tabac, alcool…).
Historiquement le concept de réduction des risques est apparu dans les années 1970/1980 pour faire face aux fléaux des drogues, puis du Sida. Dans l’urgence, et face à des situations dramatiques, la priorité devait aller à la réduction des risques d’overdose et de contamination. La réduction des risques s’est ensuite emparée au fil des décennies d’autres champs liés à des pratiques à risque comme la sécurité routière, l’alcool ou le tabac.
L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) définit ainsi ce concept :
« La réduction des risques consisterait ainsi à être plus attentif aux modes de vie et aux comportements des usagers de drogues afin de leur proposer des mesures de santé publique adaptées à leurs besoins, et non pas imposées de l’extérieur. La réduction des risques fait appel à une dimension pragmatique de santé publique (Lert, 1998) qui prend en compte la trajectoire de l’usager de drogues (Coppel, 1996) et ses conditions d’existence pour répondre à ses besoins (Jauffret-Roustide, 2004). »
L’idée de base de la réduction des risques (ici limitée au seul champ de la consommation de drogue) est donc d’inciter les consommateurs à adopter les pratiques de consommation les moins dangereuses possibles, plutôt que de se limiter aux politiques répressives visant à stopper la consommation qui ont des résultats très limités comme le prouvent depuis des années de nombreuses études.
Toujours en matière de drogue, les récents débats sur les salles de shoot, en France, procèdent d’une logique de réduction des risques : les autorités ont fait le choix de proposer des lieux sécurisés pour les toxicomanes afin de limiter les risques sur leur santé (notamment overdose et MST). Des salles de shoot qui ont fait débat au moment de leur ouverture, mais dont les premiers résultats semblent très encourageants pour les responsables d’associations concernées.
Mais les champs d’application de la réduction des risques sont loin de se limiter à la toxicomanie. En matière de MST, le gouvernement prône depuis de nombreuses années une politique de réduction des risques. Conscients de la réalité de la société française, les politiques publiques ne prônent pas l’abstinence, mais des campagnes de sensibilisation à l’utilisation du préservatif qui ont permis que son usage se soit généralisé en moins de vingt ans, notamment auprès des plus jeunes qui ont été déculpabilisés avec succès. Et la capote est entrée dans les mœurs.
Cette vision pragmatique s’est peu à peu ouverte aux autres questions de santé publique, comme l’alcoolisme et le tabagisme. Contre les tenants du « zéro tabac », les autorités britanniques, par exemple, ont décidé de promouvoir les alternatives à la cigarette comme les patchs, les gommes, ou plus récemment les e-cigarettes et autres technologies de tabac à chauffer. Une consommation toujours nocive, mais bien moins que celle de la cigarette, selon les recherches du ministère anglais de la santé.
On le voit, le concept de réduction des risques peut s’appliquer à de nombreuses thématiques de santé publique. Cette vision tend à s’imposer (en Grande-Bretagne aux États-Unis et dans de plus en plus de pays européens comme l’Allemagne ou le Portugal) et à devenir une évidence au regard des résultats des retours d’expériences et des nombreuses vies sauvées depuis les mises en place de ces stratégies.
Une vision pragmatique qui peut également s’appliquer de manière accrue à d’autres secteurs, comme la sécurité routière ou la protection des mineurs sur internet…